« Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer sur les aspects sociaux de la forêt »

L’assemblée générale des communes forestières s’est déroulée à Paris le 27 octobre dernier. L’occasion de faire un point sur les inquiétudes des élus et l’actualité de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) par la voix de Dominique Jarlier, son président.

L’Assemblée Générale des communes forestières s’est déroulée cette année à Paris, alors que la majorité d’entre elles se situent en milieu rural. Pourquoi un tel choix ?

L’Ile-de-France est aussi une région forestière importante, mais le regard des gens sur la forêt y est compliqué. Il est en effet difficile de récolter des arbres en zone périurbaine, car les habitants s’y opposent. Pourtant, c’est sans doute là que se situe le plus de possibilités d’usages du bois-énergie. On doit donc marier des contraires. Organiser notre assemblée générale à Paris était une façon de le rappeler.

Est-ce que le recours aux sciences sociales pour décrire la perception de la forêt par la population française n’est pas encore trop rare ?

Certainement. C’est une préoccupation qui devient pour nous de plus en plus prégnante, notamment depuis le succès du livre, puis du film « L’intelligence des arbres » de Peter Wohlleben. Il ne faut pas s’opposer aux sentiments qu’éprouvent les gens pour la forêt. Mais il faut aussi les ramener à la réalité scientifique. C’est une vraie question pour nous. Ce n’est pas toujours rationnel, mais le maire doit s’approprier aussi cette dimension-là. Nous avons d’ailleurs souhaité les rassurer lors de cette AG car leur rôle de médiation est très important.

Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer sur les aspects sociaux de la forêt, mais il faut aussi pouvoir redresser les excès d’appréciation. C’est tout un travail qui doit conforter l’élu dans sa position de médiateur. Car il est peut-être le plus apte à apprécier ce que les gens recherchent dans cet espace forestier. Mais ce rôle nécessite de l’information, voire de la formation. Il est important pour désamorcer les conflits possibles et éviter d’avoir une ZAD, comme à Notre-Dame-des-Landes, dans toutes les forêts. La réflexion sur la forêt citoyenne sera une actualité importante pour nous en 2018.

Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture était présent à votre AG. Qu’attendez-vous de lui ?

Nous avons établi le contact et nous attendions une annonce concernant un Appel à manifestation d’intérêt sur les constructions en bois promis sous la précédente mandature. Stéphane Travert n’a pourtant rien annoncé. Cette action lancée par le ministre de l’agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, s’appuyait sur notre programme « 100 constructions publiques en bois local » où nous avons pu constater que les élus sont moteurs sur ce thème, en tant que maître d’ouvrage. L’idée est de le développer en lui donnant un petit coup de pouce.

Quelle est l’actualité plus globale de la Fédération nationale des communes forestières ?

L’actualité de la filière bois nous inquiète car nous avons un sentiment de sclérose, face à des rentes de situation qui veulent se protéger. Pour accepter la mobilisation du bois, je pense qu’il faut que son usage soit pensé localement. Il faut d’une part garantir la ressource pour les générations futures, mais aussi développer l’économie locale. Nous avons d’ailleurs en projet une étude pour mesurer les retombées économiques du bois sur le territoire.

L’autre préoccupation concerne le devenir de l’espace rural, en termes de risques. Le fait d’avoir des espaces non gérés accroît le risque d’incendie comme lorsque la forêt est en périphérie des villes. La seconde question est liée à qualité de l’eau. Les principales ressources en eau potable se situent en effet sur les têtes de bassin où les massifs forestiers sont importants. En cas de déforestation par exemple, la qualité de l’eau peut être en danger sans que nous ne soyons encore en mesure de savoir précisément dans quelle mesure. Enfin, lorsque les propriétaires de forêt deviennent de plus en plus divers, on peut se retrouver sur des zones en déshérence, sans aucun respect des règles d’urbanisme, avec toute sorte de situations marginales, qui peuvent parfois dégénérer et donner lieu à des conflits de personne.

Comment se déroule le contrat d’objectif et de performance (COP) signé avec l’Office national des forêts (ONF) ? Est-ce que l’arrivée de l’Agence française de biodiversité (AFB) peut changer la donne ?

Le COP signé le 7 mars 2016 pour la période 2016-2020 se poursuit dans les mêmes termes. L’objectif à atteindre concernant les volumes de bois ne m’inquiète pas. En revanche, les regroupements de gestion posent plus de problèmes. L’arrivée de l’AFB ne change pas les choses. Les maires sont de plus en plus conscients de la perte de biodiversité. La question est surtout de savoir comment va se passer l’organisation sur le terrain.

Quels sont les sujets d’inquiétudes pour les élus des communes forestières ?

Le développement de grosses centrales à biomasse comme à Gardanne, nous inquiète. Nous avons poussé les projets bois-énergie à travers notre programme « 1 000 chaufferies en milieu rural », mais ces centrales modifient les données concernant l’approvisionnement. Et les maires qui ont des chaufferies sont inquiets car les prix du bois-énergie augmentent lorsque ces centrales s’installent.