Plutôt petit pont de bois ou fin pont de béton fibré ?

OUVRAGES D’ART. A l’occasion de la première Biennale des territoires, le Cerema organisait de nombreux ateliers dont l’un portait sur les matériaux innovants dans la construction et la réparation des ponts. C’est Philippe Jandin, directeur de projets, qui a présenté l’utilisation de bois et de béton fibré ultra-hautes performances dans des ouvrages français. Zoom.

Deux matières, deux ambiances. Les passerelles, ponts et viaducs peuvent être réalisés dans de multiples matériaux. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) s’est intéressé à deux d’entre eux, considérés comme innovants dans la construction ou la réparation des ouvrages : le bois et le béton fibré à ultra-haute performance (BFUP). Philippe Jandin, de la direction technique des Infrastructures de transport et matériaux, relate : “Le bois est évidemment utilisé depuis des siècles pour franchir les ruisseaux et rivières. C’est une ressource naturelle, abondante, bien qu’en souffrance dans le monde où les surfaces ont reculé de -3 % sur les 15 dernières années. Mais c’est un atout écologique qui stocke le CO2, qui est recyclable, trouvé localement, et qui présente une bonne résistance au feu“.

D’où un regain en France dans la construction d’ouvrages de franchissement en bois depuis le début des années 2000. Diverses essences locales sont privilégiées, dont le pin Douglas et le pin maritime, qui sont transformés en poutres de lamellé-collé. Le spécialiste énumère les ponts routiers construits au cours des deux dernières décennies : pont des Fayettes (Isère), pont d’Ilonse (Alpes-Maritimes), pont de Crest (Drôme)… Depuis, un travail a été réalisé pour concevoir un ouvrage type, pour le franchissement autoroutier, à la fois pour la faune et des engins forestiers. “Le modèle Amblans-Lure est défini par quatre poutres en lamellé-collé supportant un tablier en béton. L’association mécanique des deux matériaux permet de protéger le bois des éléments par des retombées de dalle“, précise Philippe Jandin. Les nervures de bois affichent des dimensions impressionnantes, avec au moins 80 cm d’épaisseur.

C’est justement l’inverse avec l’autre matériau de construction mis au point dans la fin des années 1990. Le béton fibré à hautes performances, puis ultra-hautes performances (BFUP), affiche des caractéristiques techniques particulières, comme le rappelle l’expert : “Une granulométrie très fine, avec des granulats de 7 mm contre 20 à 25 mm en moyenne pour le béton standard. Une charge en ciment importante et un fort dosage de sable“. S’ajoutent à cette formulation des fumées de silice, du super-plastifiant et bien entendu, des fibres, qui confèrent au BFUP sa très haute résistance en compression, supérieure à 200 MPa. “Il est auto-plaçant ce qui permet de réaliser des pièces fines dans des coffrages aux formes complexes“, ajoute-t-il. Ce matériau, très compact, affiche également une durabilité “exceptionnelle” qui en fait une solution de choix pour des ouvrages d’art exigeants architecturalement. Cette fois, Philippe Jandin cite le pont de Bourg-lès-Valence (Drôme), celui de Saint-Pierre-la-Cour (Mayenne) mais surtout celui de la Chabotte de 47 mètres de portée, sans aucun pylône. Plus récemment, c’est le pont en béquille de la République à Montpellier, signé Rudy Ricciotti, qui a fait appel à du Ductal blanc pour ses multiples soutiens, extrêmement élancés. Un ouvrage aérien qui atteint tout de même les 75 mètres de longueur.

Le BFUP peut également être appliqué aux réparations“, reprend le spécialiste du Cerema. Suite à des expérimentations menées entre 2007 et 2010 (Orthoplus et Orthodalle), il apparaît que l’ajout de béton fibré permet d’augmenter la capacité portante et d’appliquer une précontrainte additionnelle. Le matériau vient améliorer la résistance aux chocs et à l’abrasion de l’ouvrage existant, en renforçant et protégeant le tablier sur l’extrados. Dernière avancée en date, la mise en œuvre du BFUP par projection, cette fois afin de régénérer et renforcer des voûtes en intrados. La technologie de pulvérisation repose sur l’emploi de buses métalliques ultra-minces. Et l’ingénieur évoque d’autres solutions techniques : “L’acier auto-patinable qui ne nécessite plus de peinture sur tout son cycle de vie. Les armatures inox ou composites, type fibre de verre, fibre de carbone ou fibre aramide. Les hourdis en composites ou encore les ponts intégraux et semi-intégraux avec tablier encastré aux extrémités“. Cette fois, il cite l’exemple du pont de la Buissière (Isère) en cours de reconstruction, conçu avec un béton fibré carbone, formulé par Sika. Autant de technologies différentes qui viennent se compléter et offrir un éventail toujours plus large d’options aux concepteurs d’ouvrages pour les rendre toujours plus durables et résilients.

article du batiactu – 20/03

pont d’ILLONSE (06)